Si le temps de recharge à domicile sur une prise renforcée ou une borne domestique n’est pas vraiment un problème pour le quotidien puisqu’on branche son véhicule pendant la nuit, la recharge rapide pose encore beaucoup de questions pour les utilisateurs professionnels ou les départs en vacances.
💬 Les constructeurs automobiles communiquent un temps de recharge de 10% à 80% sur les bornes rapides : simple effet de communication ou réel intérêt pour l’utilisateur ? 💬
Nous vous proposons ici une analyse technique détaillée de ce qu’il se passe pendant une recharge rapide DC (courant continu) sur notre véhicule référence : la Tesla Model 3 branchée sur un Superchargeur.
⚡ La puissance de recharge : un défi technique majeur ⚡
Pour analyser précisément le comportement de la voiture pendant la recharge, nous avons vidé complètement la batterie à 0%, très proche de la panne. Imaginez une Tesla qui fait des aller-retours devant la station de recharge pour s’approcher de la panne sèche et qui se gare avec tous les voyants allumés au tableau de bord avec très peu de puissance disponible : c’est nous !
Pour les plus pointilleux, il ne s’agit bien sûr pas d’un 0% absolu qui serait destructeur pour la chimie de la batterie, mais on s’approche du plus bas niveau autorisé par le constructeur en utilisation.
Voici le résultat après une recharge complète :

On constate rapidement la stratégie de recharge adoptée par Tesla sur la Model 3 : une puissance de charge très élevée au début qui monte en pic au-dessus de 250kW, mais qui chute rapidement une fois qu’on a passé les 20% d’état de charge de la batterie.
👉 Pourquoi cette chute de puissance ? Parce qu’il faut maîtriser la température de la batterie ! Avez-vous une idée de ce que représente 250kW de puissance électrique ? Une maison entière peut consommer en instantané entre 6kW et 15kW pour les plus grosses installations… Alors ici, il faut un système de gestion thermique ultra performant pour garantir la sécurité pendant la recharge et aussi assurer une bonne durée de vie pour la batterie. La chute de puissance constatée à partir de 20% correspond majoritairement à cette gestion thermique.
Pour profiter pleinement de cette puissance de recharge rapide, il faut donc avoir un peu d’habitude et arriver très bas en SoC (état de charge %) à la borne : un peu anxiogène au départ, et si la borne en question ne fonctionne pas il n’y a pas de solution de repli !
C’est pourquoi certains constructeurs adoptent des stratégies de recharge différentes. Prenons l’exemple de la Hyundai IONIQ 5 avec sa technologie 800 V, que nous avons eu l’occasion de tester en profondeur sur un 10% – 80% lors d’une précédent mission de formation :

La stratégie Hyundai est différente : une montée plus progressive en charge et une puissance maximale moins importante, mais qui est maintenue jusqu’à 50% ! Un vrai avantage pour l’utilisateur qui n’a pas besoin de se préoccuper d’arriver très bas en batterie à la borne pour profiter de la puissance de recharge maximale. Ensuite, la gestion thermique et l’équilibrage de charge se font par paliers.
🕓 Première analyse : le temps de recharge 🕓
Nous avons mesuré précisément le temps de charge pour passer de 0% à 100% sur le Superchargeur Tesla à 1h 16 min et 31 secondes. Le graphique ci-dessous vous résume cette opération avec en bas le temps en minutes, et à gauche le pourcentage (%) de batterie.

Ici, pas de débat possible : les 20 derniers % sont plus longs à recharger que les 80 premiers %. Il faut à peine 30 minutes pour effectuer le 0% – 80% (29 min 42 secondes exactement 😛), alors qu’il faut plus de 45 minutes ensuite pour passer de 80% à 100%.
Cette caractéristique se retrouve sur tous les véhicules électriques peu importe la technologie choisie par le constructeur : la recharge devient lente sur les derniers % de batterie. L’objectif principal est d’équilibrer la recharge entre toutes les cellules et de préserver l’état de santé global de la batterie. Comme pour remplir une bouteille d’eau à ras bord à 100%, on doit réduire le débit pour ne pas que ça déborde…
💰 Deuxième analyse : les pertes de recharge 💰
L’avantage avec une Tesla c’est qu’elle vous donne beaucoup d’informations pendant la recharge. Outre la puissance de recharge instantanée, on peut également consulter l’énergie facturée (en kWh et en Euros) et celle réellement récupérée par la voiture. Dans notre expérience 74 kWh ont été facturé pour 68 kWh récupérés par la batterie, ce qui représente une perte brute de 8,2 %/
Regardons en détails l’évolution des pertes pendant cette recharge : en bleu la puissance de charge et en orange les pertes constatées en % :

Pour rendre ce graphique compréhensible, nous l’avons divisé en 3 zones :
- Zone 1 : la puissance de recharge est très élevée. Les pertes sont également maximales et se situent autour de 15%. Une grosse puissance de recharge entraine une montée en température rapide avec des pertes importantes dans le câblage et dans l’électronique de puissance.
- Zone 2 : la gestion thermique de la batterie se met en marche (on l’entend très nettement autour de 20%, les ventilateurs tournent à plein pot) pour contrôler la température de la batterie. On constate que les pertes chutes rapidement au début de la zone, certainement parce que la batterie a atteint une température cible. Ensuite, la gestion thermique opère pour maintenir la température dans une certaine plage, en montant puis redescendant de nouveau. Les pertes moyenne dans cette zone 2 sont autour de 8%
- Zone 3 : les 5 derniers % de recharge sont catastrophiques au niveau des pertes ! L’équilibrage de charge (pour remplir toutes les cellules) est très énergivore et les pertes s’envolent à plus de 30% sur la fin.
👍 La bonne pratique 👍
En conclusion, on comprend rapidement pourquoi les constructeurs communiquent un temps de recharge de 10% à 80% sur les bornes rapides, et non une valeur à 100%
- Descendre trop bas en niveau de batterie est à la fois anxiogène et mauvais pour l’état de santé de la batterie
- Il faut plus de temps pour recharger les 20 derniers %, par rapport aux 80 premiers %. Il est donc beaucoup plus rentable si on raisonne en temps de parcours, de reprendre la route et de refaire un complément de recharge plus loin. C’est également important pour la bonne fluidité du trafic sur les stations de recharge, notamment sur autoroute.
- Les pertes de charges moyennes sont moins importantes dans une zone comprise entre 20% et 80%/ Si on raisonne sur le plan financier, on économise aussi de l’argent à rester dans une bonne plage d’utilisation de la batterie.